«Grâce à la présence médiatique, le football féminin gagne en importance également sur le plan commercial»

Il y a de quoi jubiler: la Suisse accueille actuellement le Championnat d’Europe de football féminin. Les expert-e-s du sport sont convaincus que la présence médiatique donne un coup de pouce à cette discipline – et peut contribuer à réduire le sexisme et l’homophobie dans la société.

Nous faisons la fête, nous pestons, nous vibrons – le football est l’un des sports les plus populaires qui soient. Les grands tournois attirent un public qui se compte en millions de personnes. C’est le cas pour les matchs masculins, mais ça l’était aussi lors du dernier Championnat d’Europe féminin: à l’été 2022, c’était l’effervescence au stade de Wembley à Londres. Près de 90’000 spectatrices et spectateurs ont assisté à la finale de l’Euro entre l’Angleterre et l’Allemagne. En outre, quelque 250 millions de téléspectatrices et téléspectateurs de 195 pays ont suivi la finale à la télévision. La journaliste sportive de SRF Seraina Degen se souvient: «l’ambiance était aussi grandiose que paisible et le public très varié. Alors qu’auparavant, c’étaient plutôt des familles avec enfants qui assistaient aux matchs de football féminin, aujourd’hui, ce sont des gens de tous les âges. Et aussi beaucoup d’hommes. C’est un sport pour un large public.»

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L’internationale suisse Alisha Lehmann lors d’un match amical contre la Pologne.

Les prévisions sont également bonnes pour le Championnat d’Europe féminin 2025 qui se déroulera en juillet en Suisse: plus d’un demi-million de billets ont déjà été achetés dans le monde entier et l’UEFA s’attend à une audience télévisuelle mondiale de 500 millions de personnes. Elle espère que le nombre moyen de 21’710 spectateurs et spectatrices par match sera encore dépassé cette année.

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90% des joueuses et des femmes arbitres déclarent en avoir déjà été victimes.»
Matthias Buser, sociologue du sport
Moins de sexisme grâce au sport féminin?

Lorsque le sport féminin gagne en popularité, le sport masculin en profite également. Le sociologue du sport Matthias Buser en est convaincu. «Le sexisme est très présent dans le football; 90% des joueuses et des femmes arbitres déclarent en avoir déjà été victimes», indique-t-il.

Selon lui, il est important que les fédérations assument leurs responsabilités, afin de protéger aussi bien les joueuses que les entraîneuses contre les agressions sexistes. «Jusqu’à présent, les femmes ne sont pas du tout prises en compte dans les règlements, souligne Matthias Buser. Il n’y a pas de sanctions en cas de comportement sexiste, pas de bureau d’enregistrement pour les victimes. Le football est l’un des derniers bastions où l’on peut prouver sa virilité en tenant des propos sexistes ou homophobes.» Il n’y a pratiquement pas de footballeurs qui révèlent leur homosexualité. C’est en revanche déjà le cas pour les footballeuses, qui parlent ouvertement de leur orientation sexuelle. Matthias Buser y voit une chance pour la société. «Cela profite à l’ensemble du sport qu’un tel comportement ne soit plus toléré. Les médias peuvent contribuer à faire en sorte que le sexisme ne puisse pas perdurer dans le sport.»

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Le football féminin international se développe énormément. La Suisse doit veiller à ne pas rater le coche.»
Seraina Degen, journaliste sportive de SRF
«Nous voulons faire partie intégrante de la grille des programmes»

Depuis quelques années, la SSR retransmet les matchs de l’AXA Women’s Super League suisse. Marion Daube, directrice du football féminin à l’Association suisse de football (ASF) depuis 2022, apprécie l’engagement de la SSR pour le football féminin.

Les retransmissions télévisées sont à ses yeux d’une grande importance et constituent la base des prochaines étapes du développement du football féminin. Mais le but n’est pas encore atteint: «nous voulons faire partie intégrante de la grille des programmes; pas seulement quand cela tombe bien dans le calendrier ou quand il y a de grands tournois ou des matchs importants. Si l’on regarde chez nos voisins, en Allemagne par exemple, on constate que les matchs féminins y sont diffusés chaque semaine à la télévision. Cela doit aussi être une motivation pour nous.»

Ce net gain d’intérêt pour le football féminin reste perceptible, mais la journaliste sportive, Seraina Degen, met en garde: «le football féminin international se développe énormément. La Suisse doit veiller à ne pas rater le coche.»

Et puis, reste la question du salaire. Certes, les choses ont évolué, mais l’égalité est encore loin d’être atteinte. L’été dernier, les primes de l’équipe nationale féminine suisse ont été alignées sur celles des hommes. Les bonus versés par le sponsor principal en cas de qualification pour l’Euro ou la Coupe du monde sont donc désormais identiques, mais pas ceux de l’Association suisse de football (ASF).

Les statistiques salariales concernant le football féminin font encore défaut, mais la capitaine de l’équipe nationale Lia Wälti a déclaré à CH-Media qu’en Suisse, un emploi de commerce bien rémunéré lui rapporterait plus que le football professionnel. Pour les footballeuses professionnelles, la carrière représente généralement une double charge importante: «la plupart d’entre elles travaillent ou étudient à plein temps. Ce sont de longues journées pour les joueuses de haut niveau. Les femmes en font plus que les hommes à cet égard», indique Seraina Degen. C’est pourquoi les retransmissions télévisées sont importantes. La visibilité crée de l’intérêt, la discipline sportive gagne également en importance sur le plan commercial et peut ainsi se développer et se professionnaliser davantage, explique encore la journaliste.

«Plus de joueuses licenciées, plus de fans dans les stades, plus de retransmissions à la télévision

Comment la présence médiatique a-t-elle donné un coup de pouce au football féminin? Tatjana Haenni, ancienne directrice du football féminin à l’Association suisse de football (ASF), l’explique dans une interview en allemand.

Les clubs de football souffrent d’un manque d’espace

Pour que cela soit possible, les clubs de Super League devraient encourager le sport féminin en plus de la relève. Sociologue du sport, Matthias Buser y voit toutefois encore quelques obstacles. «Ce sont des dynamiques qui doivent encore se mettre en place, explique-t-il. Il peut être très prévoyant pour les clubs d’investir dans le sport féminin – mais leurs décisions sont avant tout motivées par des considérations économiques et, dans ce contexte, le sport féminin n’est souvent pas encore rentable.»

Et il y a encore un autre problème: les clubs de football débordent déjà et se battent en de nombreux endroits pour obtenir des ressources et des terrains d’entraînement. «Même si un club est motivé pour promouvoir les femmes, elles n’ont pas de place, explique Matthias Buser. C’est le rôle de l’Etat de mettre ces infrastructures à disposition.»

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Enfant, j’avais des modèles masculins, mais lorsque les filles peuvent admirer les femmes, cela crée un lien totalement différent et c’est vraiment important.»
Lara Dickmann, ambassadrice du tournoi
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Lara Dickmann

(KEYSTONE/Peter Klaunzer)

Toujours est-il qu’à Zurich, le nombre de participantes au football féminin a augmenté de 20 pour cent depuis que la Suisse a été annoncée comme organisatrice du tournoi. La ville a alloué un budget de 1,2 million de francs pour promouvoir l’accès des filles au football à l’aide de programmes scolaires.

Lara Dickmann, ambassadrice du tournoi, a déclaré à uefa.com: «Quand j’étais petite, je devais jouer avec les garçons parce qu’il n’y avait pas d’équipes de filles. … Enfant, j’avais des modèles masculins, mais lorsque les filles peuvent admirer les femmes, cela crée un lien totalement différent et c’est vraiment important.»

 

Daniela Huwyler, avril 2023, et Noemi Harnickell, mise à jour juin 2025

 

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