Susciter l’intérêt pour des thèmes politiques rébarbatifs sans sombrer dans la superficialité

Elle doit être équilibrée, passionnante et susciter l’intérêt de la population pour la politique: la couverture des élections exige beaucoup de doigté et un bon flair pour les thèmes qui font mouche. Trois rédacteurs en chef de la SSR expliquent comment ils maîtrisent cet art et de quelle manière la SSR contribue à la formation de l’opinion politique.

Trois professionnels de la politique, trois questions: Urs Leuthard, Laurent Caspary et Flavio Bundi sont responsables de la couverture médiatique avant et pendant les élections sur SRF, la RTS et la RTR. Dans de courtes interviews, ils répondent chacun à trois questions portant sur l’équilibre, la démocratie et les défis, tout en jetant un regard rétrospectif sur les élections fédérales de 2023.

RTS: Débat direct entre la population et les partis

À l’approche des élections fédérales, la RTS a délibérément mis l’accent sur la population. Ainsi, dans le format «L’avis d’ici», 18 personnes ont fait l’objet d’un portrait – elles ont confronté les responsables de partis au cours de la campagne électorale à des questions tirées du quotidien.

Laurent Caspary est rédacteur en chef de RTS Radio depuis sept ans et à l’antenne depuis quatorze ans.

Image

Laurent Caspary, rédacteur en chef de RTS Radio

Laurent Caspary, comment garantir une couverture médiatique équilibrée autour des élections?
Nous avons l’obligation de trouver un équilibre. Pour ce faire, nous mesurons la présence et le temps de parole de toutes les personnalités politiques qui sont invitées dans nos émissions. Nous le faisons en principe toujours, mais avec une attention particulière durant les semaines précédant les élections. Ainsi, à partir du 21 août, nous avons suivi chaque intervention d’une personnalité d’un parti politique sur notre chaîne, afin d’avoir une vue d’ensemble de notre offre et de pouvoir équilibrer si nécessaire la présence des partis. Nous avons pour cela noté la durée des interventions, le type d’émission et le format, par exemple s’il s’agissait d’une interview en direct ou d’une réaction enregistrée. Trouver l’équilibre n’a pas toujours été facile. On a peut-être trop parlé du Parti socialiste dans le cadre de la démission et de la succession d’Alain Berset.

Quels sont les points forts de la couverture médiatique de la SSR?
La proximité avec la population, que nous créons également grâce à notre réseau de correspondants et correspondantes dans tous les cantons. Nous pouvons transmettre à notre public une image précise du fonctionnement de la Suisse. Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec les chaînes de télévision privées, en mettant par exemple leurs débats en lien sur notre site. Ainsi, les deux parties peuvent en profiter: nous, de la proximité des chaînes locales pour les débats dans les communes, eux, de notre envergure et de notre diversité.

«
Les élections semblent trop complexes pour un certain nombre de citoyennes et citoyens. Nous aimerions parvenir à susciter leur intérêt. C’est pourquoi la sélection de thèmes et d’aspects pertinents constitue le plus grand défi.»
Laurent Caspary, rédacteur en chef de RTS Radio

Quel est le plus grand défi en matière de couverture médiatique?
Les élections semblent trop complexes pour un certain nombre de citoyennes et citoyens. Nous aimerions parvenir à susciter leur intérêt. C’est pourquoi la sélection de thèmes et d’aspects pertinents constitue le plus grand défi. En faisant des choix éditoriaux clairs, nous augmentons nos chances de capter l’attention des personnes qui suivent nos émissions et de leur faire comprendre qu’elles sont en mesure de faire un choix politique. Nous le faisons avec des formats classiques comme les débats entre personnalités politiques ou, pour la première fois lors des élections de 2023, avec la nouvelle formule de «L’avis d’ici». Nous avons recherché pour projet important 18 personnes aux profils les plus variés possible en termes d’âge, de profession et de région de provenance et ainsi rassemblé un large éventail – allant de personnes en recherche d’emploi à des responsables d’entreprise. Ces personnes ont été suivies de très près par nos journalistes pendant une semaine – il y a même des collègues qui ont passé la nuit chez elles. Cela a donné lieu à des portraits audio et vidéo. Dans les émissions, ces personnes ont posé leurs questions personnelles aux partis et aux candidats et candidates à propos de thèmes comme le pouvoir d’achat, la migration, la santé ou aussi l’environnement. C’était une nouvelle expérience pour tout le monde: un débat vrai et direct qui a également mis au défi les responsables des partis.

«
Le jour des élections, chaque canton dispose des siens.»
Urs Leuthard, responsable de la rédaction télévisée de SRF.
SRF: «Parfois un exercice d’équilibriste pour que cela fonctionne»

SRF a proposé différentes émissions sur les élections fédérales de 2023, comme «Wahlzmorgen» et «Parteiencheck» à la radio, tandis qu’à la télévision, une émission classique comme «Arena» a été complétée par un nouveau format appelé «Bitte auf den Punkt!» SRF a couvert le dimanche des élections pendant douze heures, avec des directs, des analyses et des projections depuis les 26 chefs-lieux cantonaux.

Urs Leuthard, responsable de la rédaction télévisée de SRF au Palais fédéral, a analysé les élections fédérales pour la sixième fois.

Image

Urs Leuthard, responsable de la rédaction télévisée de SRF.

Urs Leuthard, comment garantir une couverture médiatique équilibrée autour des élections?
Nous respectons les lignes directrices de la SSR: notre couverture de l’événement doit être appropriée, diversifiée et indépendante. Il s’agit notamment du devoir de diligence particulier qui est important lors des élections et des votations, en particulier dans les six mois précédant le dimanche d’élections ou de votations. Cela signifie que nous faisons encore plus d’efforts que d’habitude pour que toutes les parties soient traitées de la même manière. Pour les émissions d’information, nous ne mesurons certes pas la durée des reportages comme pour les émissions de débat telles que «Arena». Nous essayons cependant nous concentrer sur la vue d’ensemble. Trois semaines avant les élections, pendant la phase dite «chaude», il n’y a par ailleurs plus de portraits individuels et la couverture des élections est réduite.

Quel est le plus grand défi en matière de couverture médiatique?
Je vois ici trois points. Premièrement, être équitable envers tous les candidats et candidates et en même temps assurer une couverture normale de l’actualité. C’est parfois un exercice d’équilibriste pour que cela fonctionne. Chaque jour, des questions se posent, telles que: Peut-on encore mener une interview sans perdre le bon équilibre? Ce processus est suivi de très près, lors de la planification, mais aussi lors de notre séance de feed-back.
Deuxièmement, nous avons constaté lors des dernières élections que de nombreux partis ont cherché à attirer l’attention avant les élections et ont multiplié les invitations à des conférences de presse. Nous avons regardé cela de très près: le thème était-il pertinent ou s’agissait-il simplement d’un événement électoral? Et enfin, c’était un défi de satisfaire tout le monde avec nos ressources limitées – la moitié de l’équipe était occupée à préparer l’émission du jour des élections dans les semaines précédant l’événement.

Quels sont les points forts de la couverture médiatique de la SSR?
Nous revendiquons notre indépendance. Et je pense que nous y parvenons très bien. Contrairement à certains médias privés, nous ne sommes pas proches d’un parti en particulier. Ce que j’apprécie tout particulièrement dans mon travail, c’est qu’au cours de ces 20 dernières années, ma hiérarchie ne s’est jamais immiscée dans mon travail et n’a jamais tenté d’influencer une histoire. Sur le plan rédactionnel, nous pouvons toujours décider nous-mêmes de ce qui est judicieux et de ce qui ne l’est pas. En outre, ce qui nous distingue, c’est un vaste réseau de correspondants et correspondantes: le jour des élections, chaque canton dispose des siens.

«
En outre, ce qui nous distingue, c’est un vaste réseau de correspondants et correspondantes: le jour des élections, chaque canton dispose des siens.»
Urs Leuthard, responsable de la rédaction télévisée de SRF.
«
Notre force en tant que SSR me semble être notre ancrage régional et par conséquent notre grande proximité avec le public.»
Flavio Bundi, rédacteur en chef de la RTR
RTR: «Toujours vérifier le dosage»

Aux Grisons, lors des dernières élections fédérales, la RTR a voulu s’adapter à chaque tranche d’âge en proposant différents formats et rendre la politique plus tangible. Avec au cœur des préoccupations la question de la participation. C’est ainsi que la RTS a visité la commune où le taux de participation est le plus bas – Schluein – et celle où il est le plus élevé – Lohn.

Flavio Bundi est depuis six ans le rédacteur en chef de la RTR.

Image

Flavio Bundi, rédacteur en chef de la RTR

Flavio Bundi, comment garantir une couverture médiatique équilibrée autour des élections?
Pour moi, trois points sont importants: reconnaître, catégoriser et rendre possible. Dans un premier temps, et c’est sans doute le point le plus important, il s’agit d’écouter attentivement. Sans déjà juger ou catégoriser. Il s’agit simplement de comprendre ce qui fait bouger et préoccupe la population. Ensuite viennent l’approfondissement et la mise en contexte: quelles sont les conséquences des opinions et des modes de pensée? Quel est le contexte? Le public peut ainsi catégoriser les informations. Et enfin: instaurer un dialogue pour échanger. Une démocratie vécue devrait s’accompagner d’une discussion, et c’est ce que nous voulons offrir. Les vraies rencontres créent un dialogue et contribuent à voir plus loin que le bout de son nez.

Quel est le plus grand défi en matière de couverture médiatique?
Aller chercher le public et rendre la politique tangible. En effet, la participation politique est en fait trop faible dans notre pays. Cependant, une démocratie ne fonctionne que si les gens participent. Notre motivation est donc d’éveiller l’intérêt du public pour les élections et les questions politiques. Notre plus grand défi autour des élections fédérales a été de toujours vérifier le dosage de la couverture médiatique: ni trop ni trop peu. Une autre de nos préoccupations était de savoir jusqu’à quel point la politique peut être amusante et attrayante. Même si nous souhaitons susciter l’intérêt, la couverture des élections ne doit pas devenir un simple divertissement, mais doit être menée avec sérieux.

Quels sont les points forts de la couverture médiatique de la SSR?
Je tiens à mentionner d’emblée que les médias privés accomplissent aussi un bon travail. Notre force en tant que SSR me semble être notre ancrage régional et par conséquent notre grande proximité avec le public. En outre, nous sommes bien positionnés sur le plan numérique, par exemple avec le journalisme de données et des informations complémentaires qui offrent une réelle valeur ajoutée.

Daniela Huwyler, mars 2024

Commentaire

«Médias en dialogue»: vivre le journalisme en direct

À quoi ressemble le quotidien d’une correspondante? Et comment fait-on ses preuves en tant que journaliste face à un public de plus en plus critique? Telles sont les questions auxquelles «Medien im Dialog» (Médias en dialogue) tente de répondre. Cette série de manifestations montre à quel point il est précieux pour le public d’échanger avec les médias et de découvrir le métier de journaliste.

Des informations étayées plutôt que des proclamations d'expert·e·s de la terre plate

Les Hautes Écoles et la RTS se sont associées pour développer une plateforme d’informations scientifiques.

Un livre pour enfants contre les fake news

Des élèves des écoles professionnelles développent leurs propres idées commerciales dans le cadre du programme d’apprentissage «myidea». Lors du concours «My Challenge», à Olten, un prix est décerné pour la première fois au meilleur projet contre les fake news. La SSR soutient ce prix qui récompense le meilleur projet dans la catégorie «Fake News».