Au-delà du jeu, du plaisir et du suspense: pourquoi nous avons besoin de divertissement

Les émissions de divertissement n’ont pas la part belle. Contrairement aux émissions d’information, elles sont souvent considérées comme inutiles. Ce qui est faux. Un recueil de résultats de recherche sur la valeur sociale du divertissement montre pourquoi

Pas drôles. Trop insipides. Inutiles. Et l’éternelle question: vaut-il vraiment la peine de payer la redevance pour elles?

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Tatort avec Isabelle Grandjean (Anna Pieri) et Tessa Ott (Carol Schuler)

Les émissions de divertissement sont souvent très critiquées. Dernièrement, par exemple, la nouvelle émission de la SSR «Late Night Switzerland» avec Stefan Büsser, mais aussi des émissions éprouvées comme «Happy Day» ou «Tatort». Et même la bonne vieille émission «Guetnachtgschichtli» se retrouve sur la sellette, lorsque se pose la question de savoir si elle relève d’un service public.

Le divertissement peut favoriser la cohésion d’une société, il peut éduquer et politiser.

Pourtant, c’est à tort que les émissions de divertissement ont intrinsèquement mauvaise réputation: elles sont importantes pour une société. En effet, le divertissement représente bien plus que le jeu, le plaisir et le suspense, plus que les peines de cœur et les personnes expatriées qui ont le mal du pays. Le divertissement peut favoriser la cohésion d’une société, la compréhension mutuelle et l’empathie, il peut éduquer et politiser. C’est la conclusion d’une étude internationale sur l’importance du divertissement de service public.

Contributions de douze scientifiques

Dans cette étude, initiée par l’ORF et soutenue par différents médias publics européens, douze scientifiques examinent le sujet sous différentes perspectives. Bien qu’elles soient scientifiques et s’adressent à un public de spécialistes, les contributions sont en grande partie rédigées dans un langage accessible. On y explique par exemple pourquoi le divertissement est une mission de service public et pourquoi ce domaine ne doit pas être laissé aux seules entreprises de médias privées. Un argument: en tant qu’entreprises de marché, les médias privés se concentrent sur le profit. De ce fait, ils ne peuvent pas (ou ne veulent pas) offrir un divertissement avec de hautes exigences de qualité, ou alors seulement de manière limitée.

Ce que le divertissement doit pouvoir faire pour être pertinent

Mais qu’est-ce qui caractérise un divertissement qui apporte une valeur ajoutée à la société? Deux auteures de l’Université de Leipzig se penchent sur cette question. Elles définissent quatre fonctions centrales que doit remplir un divertissement socialement pertinent.

Premièrement, le divertissement a une fonction d’intégration: il s’adresse à différents groupes sociaux et crée ainsi des occasions de discussion et une communauté. Autrement dit: des liens se créent lorsque nous discutons de la «scène de crime» le lundi, à la suite de l’émission «Tatort».

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L’échange du lundi autour du «Tatort» crée des liens.

La deuxième caractéristique est la fonction d’information: elle est surtout importante pour les personnes qui utilisent habituellement peu de médias d’information. Un divertissement de qualité offre des informations proches de la vie et faciles à comprendre. Ce qui veut dire: lorsque «Büssi» fait une blague sur une intervention politique, nous en apprenons au passage plus sur cette intervention et son contexte.

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Stefan Büsser «Büssi» avec  Albert Rösti

La fonction de médiation du divertissement va encore un peu plus loin: elle signifie que les questions politiques et sociales sont transmises de manière émotionnelle, ce qui favorise l’empathie du public et accroît l’intérêt pour le discours social et la participation politique. Autrement dit: lorsque Mona Vetsch se trouve «au milieu» de personnes touchées par la pauvreté, il ne s’agit pas seulement d’une émission de divertissement dans laquelle la présentatrice est jetée à l’eau et où nous pouvons voir si elle se met à nager. Cela nous incite à réfléchir à la pauvreté et aux structures sociales, et peut-être à nous engager politiquement. La dernière fonction mise en avant est la fonction de protection: un divertissement de bonne qualité aborde les thèmes de manière sensible et responsable, ne contient pas de fausses informations ou de contenus discriminatoires.

Comment la télévision pour enfants contribue au développement

L’étude n’aborde pas seulement la perspective de la société dans son ensemble, mais quelques contributions se concentrent également sur certains groupes d’âge. C’est ainsi qu’une contribution montre, à l’aide de différents exemples d’émissions pour enfants, de quelle manière celles-ci peuvent être utiles à leur développement. Une télévision pour enfants divertissante peut par exemple contribuer à la formation de l’identité et des valeurs du jeune public. Lorsque «Pingu» passe dans le cadre de l’émission «Guetnachtgschichtli», c’est plus qu’un simple bruit de cinq minutes d’un personnage animé en pâte à modeler. Les enfants sont ainsi sensibilisés à des thèmes tels que le fair-play ou l’amitié.

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Scène tirée d’un épisode de «Pingu»

Comme dans cette contribution, l’étude fournit somme toute des aperçus scientifiquement fondés et passionnants sur le thème du divertissement en général et du divertissement à la télévision publique en particulier. Cela montre ce qu’est un bon divertissement et qu’il peut et doit être discuté, surtout à une époque où l’utilisation des médias a changé. Mais il ne fait aucun doute que le divertissement est important pour la société et qu’il s’agit à juste titre d’une mission de service public.

 

Malolo Kessler, mars 2024

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